mardi 20 mars 2007

AUTANT EN EMPORTENT SARKO, SÉGO, BAYROU, ETC. - L’AVENIR EST À NOUS

LES ANALYSES DE JACQUES CHEMINADE / 20 MARS 2007

Cette campagne présidentielle est un cirque romain, livré à des comptables et à des financiers. Aucun grand sujet, à commencer par les relations internationales et stratégiques, n’y a été évoqué. Alors que le monde est menacé par une guerre, celle que Cheney et Bush fomentent dans le golfe Persique, et que la désintégration du système financier international commence, tous les candidats, intimidés et « conseillés » par les Pébereau et les Peyrelevade, se sont ralliés à cette orthodoxie budgétaire et à ce libéralisme financier qui, « social » ou pas, est aux antipodes de ce que Jaurès, de Gaulle, Mendès-France et Zay, chacun à leur façon, ont défendu. Ce qui n’empêche pas les candidats du sérail d’évoquer avec des trémolos dans la voix les mêmes Jean Jaurès, Charles de Gaulle, Pierre Mendès-France et Jean Zay dont seuls leurs nègres ont lu quelques lignes, tout en s’abaissant chacun à tour de rôle face à l’administration Bush-Cheney. Tous ont signé (sans le lire ni en mesurer les désastreuses conséquences) le pacte dit écologique de Nicolas Hulot, qui propose la sortie du nucléaire et l’abandon des OGM « par étapes » et promeut l’escroquerie du « réchauffement global ».
Quant aux candidats dits « petits », ils ont miraculeusement vu le nombre de signatures de maires doubler en leur faveur dans les trois dernières semaines, après que M. Sarkozy ait dit qu’il se battrait pour que MM. Besancenot et Le Pen puissent être candidats. Etrange parrain pour de curieux filleuls ! Dominique Voynet, quant à elle, a rosi pour annoncer la multiplication de ses parrains - pardon, de ses signatures - après la bénédiction onctueuse de M. Hollande et Cie.
Bref, cette élection a été manipulée par le sérail pour préparer l’éradication de tous les restes de gaullisme et de socialisme authentiques qui pourraient subsister en France.
C’est pourquoi, si je déplore de ne pas en être car j’y aurais fait entendre ma dissonance contre la guerre et le chaos financier, je considère en même temps mon exclusion comme un hommage du vice rendu à la vertu. De l’extérieur du système, avec les réseaux d’amis et de militants, tissés pendant plus de quinze mois de campagne, nous serons en mesure de refonder, au sein des tempêtes qui se préparent, l’identité républicaine de notre pays, à partir d’une base consciente des enjeux du monde, comme celle de la Résistance des années quarante. Notre mouvement de jeunes en sera le fil de l’épée. Les principes sur lesquels il est fondé rendent ce fil particulièrement tranchant.
François Bayrou et l’enjeu de 2007
Il faut d’abord comprendre ce qui est aujourd’hui en jeu : l’anéantissement de l’exception française, c’est-à-dire du système né du combat contre l’occupant nazi. Tous les candidats « officialisés » jouent leur partition dans cette entreprise de destruction.
Au centre du dispositif, le plus révélateur est la nouvelle idole des médias, l’homme qui parle peut-être aux chevaux mais écoute sûrement les voix de l’oligarchie financière, François Bayrou. Après quelques tours de piste peu probants dans le manège du sérail, il s’est vendu aujourd’hui pour trente deniers.
Conseillé par Jean Peyrelevade, l’homme du Crédit lyonnais et du tournant de la rigueur de 1983, Michel Pébereau, président de la BNP-Paribas, apôtre de la rigueur budgétaire et président du néo-conservateur Aspen Institute en France, Jean-Claude Casanova, de la revue Commentaire, qui a toujours représenté le Congrès pour la liberté de la culture américain en France et le très libéral Christian Saint-Etienne, Bayrou, selon le Financial Times de Londres, « semble être tout ce que ne sont pas les deux autres candidats : pro-européen, conscient des obligations financières de la France et de l’importance de sa dette publique ». En bref, un parfait disciple de... Raymond Barre, dont il recherchait l’adoubement jusqu’à ce que celui-ci se livre à des frasques antisémites propres à l’innocence satisfaite du grand âge.
Bayrou veut, en effet, « rééquilibrer les finances de l’Etat en trois ans » et faire inscrire dans la Constitution l’interdiction pour le gouvernement de présenter un budget en déficit de fonctionnement. Au centre de son programme se trouve la réduction de la dette , prétendument pour redonner des moyens d’action réels à l’Etat en rétablissant les finances publiques. On a vu ce que cette politique a donné en 1983,1986, 1995 et 1997, mais les milieux financiers n’en ont pas de rechange et Bayrou leur apporte une nouvelle étiquette. Il est par ailleurs le seul candidat à pleinement soutenir la politique d’austérité sociale de la Banque centrale européenne (Le Parisien du 29 décembre 2006).
Dans le domaine des institutions, son projet affaiblit l’exécutif politique - ce qui avantage ici encore le pouvoir financier. Non seulement il ne dit pas avec quelle majorité il gouvernera ni pour qui, mais son but final est bel et bien de faire éclater le Parti socialiste et d’en vampiriser les sociaux-libéraux. Son introduction de 50 % d’élus à la proportionnelle au Parlement, sa proposition de laisser se maintenir au second tour de la présidentielle tous les candidats ayant obtenu plus de 10 % des suffrages exprimés lors du premier tour, sa suppression de l’article 49.3 et du vote bloqué, rétabliraient de fait le « régime des partis » de la IVème République. Avec le zeste de modernisme que lui donne son soutien à Al Gore et Tony Blair, exposé dans un article du New York Times du 7 avril.
Décidément, chez M. Bayrou tout est devenu cohérent pour le pire. Un maréchalisme financier new age qui sent si bon le crottin béarnais... Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que toute la fine fleur néoconservatrice de la droite et de l’ultra-droite néo-libérale le rejoigne, depuis Edouard Fillias, de l’Alternative libérale cornaquée par M. Madelin, jusqu’à l’ineffable Nicolas Miguet avec son « pack de contribuables français boursicoteurs » .
Nicolas Sarkozy retourne à son vomi
Quant à Nicolas Sarkozy, il est ce qu’on sait et même davantage. Il n’a certes pas été membre de la Commission trilatérale, contrairement à M. Bayrou, mais il est bel et bien allé rechercher à Washington l’appui de l’administration Bush, contre la politique de son propre gouvernement, lorsque cela lui convenait. En une semaine - la dernière - il est tour à tour intervenu pour débloquer les parrainages en faveur de Jean-Marie Le Pen, annoncer un durcissement des conditions du regroupement familial et la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Adieu veaux, vaches, cochons, Blum, Jaurès et Guainos, retour au visage sans fard.
Il est révélateur en tous cas que Conrad Black, mafieux poursuivi par la justice américaine pour détournement de fonds et suppôt patenté de l’ultra-droite de la City de Londres, voie en Sarkozy « l’homme capable de sauver l’Europe... le continent attend un leader. Sarkozy peut être le troisième grand Français à bouleverser l’Europe depuis Napoléon et après Clemenceau et de Gaulle. Le continent a besoin de lui ». Avec des amis comme ça, on peut bien dire « Naboléon » sans vexer de Nagy Bocsa.
L’opération anti-Royal
Il y a enfin Ségolène Royal. Elle aussi, comme Bayrou et Sarkozy, vient du coeur du sérail ; elle est en réalité éléphante jusqu’au bout des défenses. Cependant, elle a compris qu’elle devait s’élever contre ses collègues pour l’emporter, et a ainsi suscité une base à laquelle elle est obligée de rendre des comptes. Sa dernière déclaration contre Bayrou est intéressante. Critiquant vertement ses propositions sur la dette publique, elle a lancé : « Un pays qui ne dépense plus rien, qui n’investit plus dans l’avenir est un pays qui va mourir, parce que le plus grand danger qui nous guette, c’est l’immobilisme. » C’est extrêmement important, car elle rompt ainsi le cercle de déraison financière tracé par MM. Pébereau, Peyrelevade et consorts.
Mieux encore, elle veut assujettir la Banque centrale européenne à un contrôle politique et la contraindre à garantir non seulement la stabilité des prix, mais davantage de croissance et d’emploi. Ce n’est pas suffisant, c’est même illusoire - vouloir imposer la vertu au vice - mais c’est un principe meilleur que celui de tous les autres candidats. Dans le domaine énergétique, sa sensibilité écolo-bébête suscite à juste titre l’ire de Claude Allègre, mais elle n’est pas pire que les autres et le PS a reconnu par ailleurs l’intérêt industriel et écologique d’une relance du nucléaire. Bruno Rebelle n’a pu obtenir l’abandon de l’EPR.
La stratégie des autres, pour mettre une laisse à ce que Mme Royal a d’incontrôlable, est de multiplier devant elle les chausse-trappes, avec un machisme à vrai dire écoeurant. Eric Besson, l’ex-lumière de Vivendi, et toujours proche de Nicolas Sarkozy - que voulez-vous, ce sont les incestes « à la française » - va publier le 20 mars un livre dans lequel il écrit : « Je pense en conscience que Ségolène Royal ne doit pas devenir présidente de la République. Je ne le souhaite pas pour mon pays. Je le redoute pour mes enfants ». Que les enfants de M. Besson aiment leur père ou non ne nous regarde pas, mais on aurait pu rêver un Iago plus élégant. Plus vicieux, les écolo-bayroutistes ont monté une opération boa. D’un côté, un Jean-Marie Allain, candidat des verts dans la circonscription de Maubeuge, y va carrément de son allégeance à M. Bayrou : « François Bayrou est le seul capable de battre le candidat de l’UMP au deuxième tour. Ségolène Royal ne dispose pas de réserves de voix suffisantes. » De l’autre, l’hypocrite Strauss-Kahn invite François Bayrou à rejoindre le pacte présidentiel de Ségolène Royal - de qui espère-t-il être le Premier ministre ? - et Daniel Cohn-Bendit souhaite voir « Ségolène Royal gagner l’élection et constituer une coalition Centre-gauche - écologiste » , tout en commentant : « Bayrou ne peut pas gagner seul, il doit faire un épaulé-jeté : il a soulevé le poids, maintenant il doit savoir dans quelle direction le jeter. »
Petit jeu
Voilà donc le petit jeu des élites françaises, une fois de plus - comme le disait Jean Zay depuis sa prison de Riom en 1941, n’est-ce pas M. Karoutchi ? - soumises à l’oligarchie financière et cherchant la formule d’un Vichy au look 2007. Le pire, dans cet état de choses, dans la connivence hypocrite, est M. Jean-François Kahn, qui célèbre le « centrisme révolutionnaire » de M. Bayrou, comme une certaine gauche des années quarante encensait la Révolution nationale.
Autour des « trois grands » s’agitent les comparses habituels manipulés par eux : Dominique Voynet, le Schivardi-PT, Arlette Laguiller, Olivier Besancenot, le chasseur Nihous et un Jean-Marie Le Pen relooké sans talent par sa fille et la faction du renseignement militaire qui le tient depuis ses plus tendres années. Tout cela fait d’excellents Français, comme le chantait Maurice Chevalier en 1939. Je le pensais en revoyant « Le chagrin et la pitié » et en mesurant les coups que l’on me porte de toutes parts. L’on dira que je les ai bien cherchés : c’est une façon de voir les choses, du point de vue du propriétaire du château. Après tout, ne serait-il pas temps, avec une certaine idée de la France, de reprendre le vieux cri : « Guerre au château, paix aux chaumières » ? Vieux jeu ? Hélas, pas tant que ça, car c’est le château, celui des fermiers généraux, qui s’est reconstitué sous nos yeux, avec son armée de laquais poudrés à l’air du temps.
Pas difficile, dans ces conditions, que l’avenir - s’il y en a un de vivable - soit à nous. « Eux » , il auront creusé leur propre tombe.
A nous ? Oui, mais à une condition : que nous redonnions l’espérance et l’estime de soi aux Françaises et aux Français, et que nous engagions avec eux - à partir de ce qui a construit le meilleur de la France, et non de vagues désirs - un dialogue pour l’avenir. C’est notre tâche. Elle est devant nous. Pour elle, nous engageons notre honneur, notre vie et notre patrimoine, comme le disait Benjamin Franklin à la veille de la Révolution américaine.

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